A l’écoute du peuple… pluriel
Après, la folle journée du mercredi 23 juin, difficile de se fendre du fameux » RAS » comme rien à signaler. Impossible d’articuler le non moins fameux » circulez, il n’y a rien à voir « . Car, la musique entendue sur les principales artères de Kinshasa contraste avec celle plutôt laudatrice qu’entonnent et claironne en chœur et par cœur le peuple de l’UDPS.
L’autre « peuple » qui a dû battre le pavé puisait dans un tout autre répertoire. Des « tubes » que l’on entend très rarement depuis le changement de locataire au Palais de la Nation. Des opus qui dépeignent la morosité ambiante. Et celui que cette autre rue tient pour responsable de cette déglingue sociale. Voire sociétale aussi.
Faut-il balayer ce message au motif qu’il relèverait de l’esprit moutonnier ou de l’instinct grégaire ? Faut-il s’offusquer ou se formaliser des oripeaux pas toujours recommandables qui ont couvert ce méga son de cloche dont le nouveau pouvoir n’est pas coutumier ?
Bien évidemment que non. Le Président Tshisekedi serait bien inspiré d’auditionner le fond du message lancé par l’autre rue kinoise. Dans un pays sans véritable culture de sondage, la colère des Kinois valait baromètre de l’opinion. En tout cas, celle qui ne chante pas à la gloire de » Fatshi Béton » matin, midi et soir.
Comme Président de tous les Congolais, Félix-Antoine Tshisekedi a tout intérêt à décrypter le message de mercredi dernier. Il montre pour la énième fois que le peuple peut brûler facilement ce qu’il a adoré hier et vice-versa. En clair, rien n’est acquis définitivement. Même la légitimité est évanescente.
Dans la série » grandeur et décadence » La même France qui avait fait un triomphe au Général de Gaulle est la même qui l’a désavoué. Toutes proportions gardées, Mobutu a connu ses instants de gloire avant d’amorcer sa chute libre lorsqu’il s’est déconnecté de la ligne de masses pour n’écouter que des thuriféraires. Lesquels lui disaient ce qu’il avait envie d’entendre. Ainsi naquit le » djalelo « .
Rongé par ailleurs par la maladie -poignardé dans le dos ? – le Maréchal-Président a eu le temps d’expérimenter à ses dépens deux citations. D’abord la plus vieille datant de la Rome antique, celle d’Ovide selon laquelle » tant que tu seras heureux, tu compteras beaucoup d’amis et que le ciel s’obscurcisse, tu te retrouves seul « . Ensuite celle de l’ancien Président Kennedy suivant laquelle « la défaite est orpheline, mais la victoire a plusieurs père « .
A méditer pour un Président qui a l’avantage historique d’avoir dans son background le film des règnes d’au moins trois de ses prédécesseurs. Et tout récemment, la traversée du siècle avec armes et bagages de ceux qui ne juraient que par le Raïs -y compris des mobutistes recyclés- n’est pas qu’une success story qui vaut Jeep aux vaillants nageurs.
José NAWEJ