Crime de lèse-majesté et devoir de mémoire… (tribune de José Nawej)

Droit dans sa toge de technicien du droit, le PG près la Cour de Cassation plaide pour l’alourdissement de la peine estampillée « offense au chef de l’Etat « . A priori, rien à y redire. La nécessaire réhabilitation de l’autorité de l’Etat postule que le Congolais cesse de confondre l’Etat de droit avec l’état de libertinage. En sa qualité de symbole de la Nation, le Président de la république a droit à un minimum d’égards républicains de tous les citoyens.

Encore que d’un certain point de vue, l’on assiste aujourd’hui à une espèce de retour de la manivelle en ce qui concerne la « désacralisation du pouvoir d’Etat, de ses symboles ainsi que de ses animateurs « . Un regard dans le rétroviseur permet, y compris au Congolais » nouvellement majeur » de savoir d’où et de qui vient ce mal.

Seulement voilà, dans un environnement politique vicié comme celui de la RDC, le plus dur est de tracer la limite entre la critique et l’offense. La très longue et riche jurisprudence en la matière renseigne que quoique codifiée, l’infraction d’offense au chef de l’Etat est dans la plupart des cas à géométrie variable. Sur fond de relations souvent incestueuses entre les tenants du pouvoir exécutif -le fameux impérium- et les animateurs de l’appareil judiciaire, le crime de lèse-majesté devient » une arme d’élimination politique » des opposants au Régime.

La frontière entre offense au chef de l’Etat et critique de l’action du Pouvoir en place étant rendue, pour le besoin de la cause, ténue et poreuse. Bonjour à la version dévoyée de » qui s’y frotte s’y pique « . Bienvenue surtout à tous les abus imaginables et même inimaginables dans ce pays de toutes les démesures ! A quasiment une année des élections, du pain béni pour tous les coupeurs de têtes… qui dépassent.

Autre séquence, où la frontière n’est pas étanche, c’est celle du devoir de mémoire et du droit d’inventaire. Comment réhabiliter celle-là sans passer celle-ci par pertes et profits ? Tels sont les termes de l’équation que pose la réhabilitation de la mémoire du Maréchal Mobutu dont l’ombre a plané sur la rencontre en terre hospitalière du Maroc entre l’actuelle Première dame et sa lointaine devancière Bobi Ladawa.

Reconnaitre les mérites du Président Mobutu? Pourquoi pas. D’autant que sur certains acquis très deuxième République comme l’unité nationale, une certaine idée de la dignité d’être …Zairois, sonnent comme autant d’antidotes au désenchantement ambiant.

Le hic, c’est que pour sa pérennité, le devoir de mémoire implique forcément le droit d’inventaire. En l’occurrence, il ne saurait s’agir d’absoudre tous les péchés du successeur de Joseph Kasa-Vubu. Encore moins d’organiser un Te deum en la crypte Marie la Miséricorde de Gbado à restaurer afin d’y béatifier et par la suite y canoniser » Saint Joseph-Désiré « . L’exercice devrait consister à mettre en lumière l’actif du Maréchal-président sans éteindre les projecteurs ad vitam aeternam sur sa part d’ombre. Mobutu Sese Seko n’a pas été qu’un homme du passif, pour reprendre le punchline de Mitterrand contre son adversaire d’alors Valéry Giscard d’Estaing lors de la présidentielle française de 1981.

Alors, réhabilitation, mille fois oui. Mais, pas au mépris du nécessaire droit d’inventaire.


José NAWEJ

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