Le port du pantalon par la femme : Infraction, Péché ou Atteinte à la pudeur ?
Les dernières actions menées le samedi 13 juillet par quelques éléments de la Police Nationale Congolaise, continuent à alimenter les conversations à travers la ville de Kisangani. Des policiers se sont attaqués à quelques filles habillées en pantalon. Elles ont été verbalisées et même brutalisées physiquement.
Le port du pantalon constituerait – il une infraction ? Un péché ? Une atteinte aux droits de la personne ?
Les avis semblent partagés et contradictoires. De la bonne moralité en passant par les écritures bibliques, l’homme de la rue et les prescrits de la loi, le port du pantalon crée un véritable débat. Et pourtant, la loi, selon nos interviewés, semble être muette et la Bible, selon les pasteurs contactés, n’est pas totalement claire sur ce sujet. Certains persistent et signent : le port du pantalon par la femme est interdite par la Bible. D’autres pensent que la Bible ne l’interdit pas formellement ou explicitement mais ce sont les écrits de la Bible qui sont interprétés à tort.
Lydie ASIMWE MAKURU est étudiante en Master 2 journalisme de paix à l’université protestante de l’Afrique centrale. Elle se dit surprise et surtout très étonnée de constater que de nos jours on interdit aux femmes de porter le pantalon. Pour elle, avec l’évolution du monde qu’est ce qui est anormal quand une fille est habillée en pantalon?
« Personnellement Je qualifie cette décision d’arrestation arbitraire, de violation des droits de l’homme et précisément de la femme. C’est une preuve de l’hostilité du pouvoir de la police à l’égard de la femme. A mon avis, il n’y a pas une loi au Congo qui interdit le port de pantalon. Donc c’est une décision impopulaire. S’il faut interdire le port de pantalon, il serait mieux de commencer par ordonner la fermeture des usines de fabrication des pantalons. La police qui a initiée l’opération peut nous dire en quoi le port de pantalon constitue un délit ?? »
Toutefois, elle salue la garde à vue de ces policiers qui ont mal procédé et qui n’ont pas pris le temps de vulgariser leur décision, si seulement si cette décision est bonne. Elle conclut en se posant la question de savoir en quoi le port de pantalon pourrait être à l’origine de la délinquance tant décriée.
Frédérique HEBRARD est française. Elle vit au Maroc. Elle est organisatrice des chasses aux oiseaux migrateurs et membre du Conseil de gestion de la RFM Tv. Elle pense que le sujet est très vaste pas juridiquement mais en restant prosaïque et biblique en même temps. Un pantalon ou une chemise, selon elle, peut se mettre pour des raisons pratiques dans le but de ne pas abimer une jolie robe ou une jupe qui est très couteuse. Ça permet d’évoluer, de ne pas perdre de temps et de faire beaucoup des choses, beaucoup plus qu’avec une robe ou une jupe. Mais ça peut être aussi provocateur quand il est moulant, serré.
« Une jupe ou une robe extrêmement serrées c’est peut être pas indécent mais provocateur ; une poitrine à moitié découverte peut être indécente ; une tenue féminine d’une femme peut être indécente sans qu’elle porte de pantalon. C’est aussi au regard à la mode. En un certain moment la mode était au pantalon à pattes d’éléphants. Maintenant la mode est au pantalon collé – serré. Ça peut être discutable de deux points de vue. Le contexte est différent aussi. A Kisangani, si elles ont mis des pantalons, je pense que c’est pour être à la page, au goût du jour ou être en avance dans la mode. Je me demande si ces policiers ne sont pas islamisant ou jaloux. Toutefois un habit peut être provocateur sans être un pantalon ».
Frédérique HEBRARD pense qu’il y aussi l’aspect du paraître. Certains habillements portés par certaines femmes ont pour intention d’attirer une attention envers leurs personnes ou de se mettre en valeur. « Une femme qui ne veut pas se faire remarquer portera des habits amples. Elle ne portera pas de pantalon. Et ça c’est biblique », conclut cette habituée des terrains des chasses.
Selon le Pasteur Narcisse MULAMBA, Responsable de l’Eglise Pentecôtiste Libres en Afrique Centrale, EPELAC, la Bible ne condamne pas explicitement le pantalon mais fais allusion aux « habits des hommes ». Il brandit 1Timothé 2 : 9-10 qui stipule : « Je veux aussi que les femmes s’habillent modestement, avec décence et convenance, en se parant, sans coiffures élaborées, ni or, ni perles, ni vêtements coûteux. Mais avec de bonnes actions, approprié pour les femmes qui professent adorer Dieu ». Selon lui, la femme devra s’habiller décemment car les habits indécents constituent une tentation. Il conseille, pour ce faire, que les femmes s’habillent en jupe et robe longues et non des mini-jupes ou des collants.
Pour le pasteur Maximilien LUZEKA, Pasteur de l’église évangélique au Maroc, Paroisse d’Agadir, détenteur d’un master en théologie et d’une certification en dialogue des cultures et des religion, c’est plus compliqué de dire que la Bible interdit ou n’interdit pas le port du pantalon parce que la compréhension des textes bibliques diverge selon que tel ou tel autre la lit. Selon lui, il est impérieux de partir de la notion même qui a été génératrice de la création du pantalon. Le pantalon n’a pas été crée comme un habit du genre, pas un habit de l’homme ou de la femme mais comme un habit de fonction, un habit utilitaire.
« Déjà la femme portait le pantalon entre le 10ième et 12ième siècle dans la culture chinoise et en Perse, les femmes portent déjà des pantalons au 5ième siècle avant notre ère. Ce sont des pantalons des femmes. Du point de vue biblique, le texte Deutéronome 22. 5, il est fait mention des vêtements d’hommes ou des femmes. Mais ce texte, selon lui, ne renvoi pas forcément, pas du tout au pantalon parce que dans la même Bible il est question de la robe des sacrificateurs dans Exode 28 :4. Allons-nous dire alors que la Bible se contredirait ? Dans la parabole du fils prodigue quand celui-ci revient vers son père et que son père demande à ses serviteurs de le revêtir de la plus belle robe (Luc 15 :22) ; dans la vision où Esaïe parle de la gloire de Dieu (Esaïe 6 :1 : L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple), et Jean parle de la longue robe de Dieu dans Apocalypse. Donc la Bible serait – elle contradictoire en parlant de la robe des hommes ? »
Non, pas du tout, explique le pasteur Maximimilien LUZEKA parce qu’il n’est pas ici question d’habits d’homme ou des femmes mais d’habillements utilitaires. Pour revenir au pantalon, il soutient qu’il existe dès le 5ième siècle des pantalons des femmes. Donc, il croit que c’est une lecture biblique très biaisées que de dire que la Bible interdit aux femmes de s’habiller en pantalon. Qu’est ce que la Bible nous demande ?
Pour répondre à cette question, pasteur Maximilien LUZEKA prends deux textes bibliques qui, selon lui, sont très importants : 1Timothé 2 : 9-10. En parlant des tresses d’or et des perles, ce texte fait allusion à l’extravagance qui était monnaie courante dans la tradition gréco-romaine. Il pense que ce verset nous appelle à nous habiller avec décence. « Une femme qui s’habille en pantalon mais décemment vaut beaucoup mieux que celle qui s’habille en mini-jupe, haut décolleté et autres mais avec indécence ». 1 Pierre 3 : 3 -5(Ayez, non cette parure extérieure qui consiste dans les cheveux tressés, les ornements d’or, ou les habits qu’on revêt, mais la parure intérieure et cachée dans le cœur, la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible, qui est d’un grand prix devant Dieu. Ainsi se paraient autrefois les saintes femmes qui espéraient en Dieu, soumises à leurs maris).
Pour conclure, le Pasteur Maxime LUZEKA pense que la femme ne devra pas chercher à ressembler à un homme et un homme ne devra pas chercher à ressembler à une femme. C’est considéré par la Bible comme étant immoral. C’est vraiment la décence qui est préconisée dans la bible aussi bien que la modération d’ailleurs. Malheureusement ce sont des qualités que nous avons perdues, regrette-t-il.
Ernest MUKULI, Journaliste et Coordonnateur de l’ONG MEPAD, ne reconnaît pas de loi visant directement le vêtement féminin. Certaines opinions ont même appuyé les raisons de sécurité intérieure qui semble considérée comme une manière de réglementer le vêtement féminin puisque le port de tel ou tel vêtement a suffi ce samedi là à la police pour verbaliser des femmes, les brutalisés physiquement. Mais, de manière générale, il demeure en revanche des règles non dites à propos du vêtement féminin en RDC ».
« Au regard des insultes, quolibets et harcèlements sexistes et sexuels que subissent nos sœurs, mères…, les femmes sont plus que fortement incitées à être féminines car on se moque de celles qui ne le sont pas ou pas « de la bonne façon » ». Le vêtement féminin ne peut donc être analysé comme un simple vêtement. Il est lourd de symboles et extrêmement signifiant. Voila à quel point le vêtement de la femme comme de l’homme doit plutôt être considéré par beaucoup comme porteur d’un sens extrêmement lourd. C’est pour cette raison que nombreux, même en sourdine, disent que cette polémique limite également la liberté de mouvement de la femme. Personnellement, je ne défends pas le droit des femmes à porter tel ou tel autre vêtement ».
Pour Ernest ce ne sont pas les vêtements des femmes qui sont un problème en soi, c’est plutôt nos regards sur tel ou tel autre vêtement qui ont du sens. En voulant considérer donc « qu’un simple vêtement peut susciter le viol, on donne ainsi au vêtement féminin un sens qu’a beaucoup moins le vêtement masculin », conclu-t-il.
Pour Maître Landry BOLIMA, Avocat au Barreau de la Tshopo, la législation congolaise ne dispose d’aucune loi qui interdit le port du pantalon par les femmes. Mais il ya une loi spéciale sur les violences sexuelles qui sanctionne l’attentat à la pudeur et aux bonnes mœurs (loi de 2006 sur les violences sexuelles, articles 164 à 167). Cette loi n’est d’application que lorsque le port du pantalon se fait d’une manière abusive, c’est-à-dire si une fille porte un pantalon et que certaines parties intimes de son corps sont à découvert et exposées. Cette loi prévoit des peines d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans et amendes, ou l’une de ces peines seulement. Faisant allusion au cas du samedi 13 juillet 2019, Maître Landry BOLIMA pense que cela dépend de la motivation de l’organe poursuivant. Cela peut se faire suite à une plaine ou une dénonciation.
Le problème d’habillement, pas nécessairement du pantalon, est lié a l’esprit de la personne, pense le révérend pasteur joseph KITIMA de l’église évangélique neema ya golgotha. Selon lui, si la séduction anime l’esprit du porteur, la tenue serait indécente.
« Pour le port du pantalon, je ne sais pas si à l’époque, la bible fait mention de cela explicitement comme la jupe aussi. Seulement les prédispositions de la personne. Sinon, que dire du kilt, la jupe, tenue officielle des écossais ? »
Il souhaiterait que nos sœurs et nos mamans puissent s’habiller avec pudeur, comme le recommande l’apôtre Paul dans 1 Timothée 2 : 9. Et pour conclure, il affirme que l’atteinte à la pudeur est condamnée dans la bible et par notre loi.
Il y deux jours, les autorités politico-administratives et policières se sont prononcées par rapport aux incidents survenus le samedi 13 juillet faisant état d’arrestations des filles en pantalons par deux officiers de la Police National Congolaise. Le vice gouverneur et gouverneur ad intérim ABIBU SAKAPELA se dit être surpris par ce qu’il qualifie’ de mésaventure de mauvais goût, car, selon lui, ni le Gouverneur de province, ni les membres du comité provincial de sécurité, personne n’a pris une décision allant dans ce sens. Par ailleurs, dans un communiqué de presse déposé à notre rédaction, le Commissaire Provincial de la Police National Congolaise, le commissaire divisionnaire adjoint Jonas KANAKANGE KAPELA, a annoncé l’interpellation et la garde à vue de deux commissaires principaux TUNGUMBA et KAZADI. Selon l’esprit de ce communiqué, ces deux commissaires seraient à la base de l’agitation de la population observée le samedi 13 juillet dans les après-midi aux alentours du marché central.
La question que d’aucun se pose est celle de savoir pourquoi la Police Nationale Congolaise a agi de cette façon.
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