Poignant témoignage du Professeur YOKA Lye Mudaba à Feu Mgr Tharcisse Tshibangu : « Honnête homme et homme de la foi en l’avenir »

Monseigneur Tharcisse Tshibangu Tshishiku est décédé mercredi 29 décembre aux Cliniques universitaires de Kinshasa. L’information a été livrée par des sources de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Sa mort n’a pas laissé indifférent le Professeur Yoka Lye Mudaba, Directeur Général de l’Institut National des Arts, INA. Pour lui, citant Lionel Groulx, Tharcisse Tshibangua été un « Honnête homme »,  au sens du 17e siècle, c’est-à-dire un être de contrastes et d’équilibre. Il incarne une tension qui résulte de cette recherche d’équilibre entre le corps et l’âme, entre les exigences de la vie, et celles de la pensée, entre les vertus antiques et les vertus chrétiennes. Il lui faut fuir les excès, même dans le bien. En un mot, il est un idéal de modération et d’équilibre dans l’usage de toutes les facultés.

Y a-t-il meilleure  description de TharcisseTshibangu que celle-là ?x s’interroge Yoka Lye Mudaba. Universitaire engagé, il a été en même temps un prince de l’Eglise catholique angoissé par la marche fulgurante des temps présents. Intellectuel de première force, il a consacré ses réflexions fondamentales à la théologie africaine comme fondement de la foi chrétienne contemporaine. Tout en lui semblait contrastes : originaire du Kasai, au cœur des tribulations pathétiques tout au long de l’histoire  du pays, il a été  néanmoins trempé dès sa naissance et sa jeunesse dans la dynamique et la saga d’un Katanga bousculé et basculé d’enjeu en  enjeu dans la géopolitique nationale et internationale.  Artiste dans l’âme, il s’est cependant affirmé comme un leader et un réformateur rigoureux et rationnel.

« …l’on comprend ainsi pourquoi, vers la fin de sa vie et de sa fulgurante carrière académique et universitaire,  le Recteur magnifique Tshibangu a semblé manifester quelque appréhension devant l’allure passablement précipitée  prise par  les réformes  de l’après-Unaza. Mais  sans  jamais  perdre  espoir. S’agissant justement des réformes de l’Université Nationale du Zaire (UNAZA) sous l’impulsion de son Recteur, l’une des faveurs a été  l’intégration des instituts supérieurs techniques, et notamment artistiques, comme notre Institut National des Arts (INA)… »

Au Professeur Yoka de poursuivre que la dénomination même de  « Institut National des Arts», selon la volonté du législateur et la vision maintes fois exprimée par Mgr le Recteur,  était tout un programme à la fois d’enracinement vers les savoirs, les savoir-faire endogènes, et d’ouverture  vers la contemporanéité de la création ainsi que de la pratique et des médiations culturelles adaptées ; mais aussi vers une sorte d’’’œcuménisme’’ des arts dans leur diversité et leur complexité.

Dans son témoignage, il explique que Mgr Tharcisse Tshibangu était un homme de la foi en l’avenir.

« …Fidèle à sa vision d’artiste et d’intellectuel, vision humaniste, progressiste et citoyenne, celle de la dimension de la culture au service du développement, et en revanche celle du développement au service de la culture, Mgr Tshibangu l’a démontré en mars 1982, lors d’une conférence magistrale au Théâtre du Zoo, dans le cadre  du Centre d’Etudes et de Diffusion des Arts (CEDAR), autour du thème « La crise contemporaine, l’enjeu africain et l’université de l’an 2000.. ».

Partant des constats  sur les  tendances fortes de l’époque, celles des années ’80, celles faites d’angoisse physique et métaphysique, celles faites également de résistances centrifuges, parfois même irrédentistes, face à la standardisation et à une mondialisation nivellantes et rouleau-compresseur au service des potentats financiers, Mgr le Recteur a préconisé une plus forte intégration universitaire africaine à l’image de l’intégration concentrique et sous régionale des Etats-Nations ; tout cela, au nom d’une université d’entrepreneurs, de créateurs certes, mais aussi de citoyens engagés et de prospecteurs , de planificateurs ; au nom par ailleurs d’une université interdisciplinaire propice aux innovations intrépides, à une spiritualité lucide et responsable, et comme réponses  opérationnelles aux  urgences de démocratie et de « développement de tout homme et de tout l’homme ».

La Rédaction

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