François OKONDAMOMBA OLONGO est Assistant au Département de Français-Langues Africaines à l’Institut Supérieur Pédagogique de Kisangani. Après la mort de l’enseignante Bonnette Elombe à Kinshasa, il nous livre ses réflexions et met en relief les spécificités de cette femme. Voici sa réflexion.
Madame Bonnette ELOMBE, célèbre institutrice de l’école primaire Yolo 7 à Kinshasa, s’est éteinte le lundi 20 octobre 2025. Je dois reconnaître que je ne la connaissais pas de son vivant. Je n’avais jamais entendu parler d’elle. Pourtant, le jour de son décès, j’ai été profondément interpellé par la vague d’émotions et de témoignages sincères qui ont inondé les réseaux sociaux. De nombreuses publications, des messages de condoléances venus de toutes parts, des photos et des vidéos chargées d’humanité m’ont révélé que le monde éducatif congolais venait de perdre une véritable étoile.
Au-delà de l’émotion, le parcours de cette jeune institutrice nous laisse plusieurs leçons précieuses, autant pour la recherche pédagogique que pour la pratique enseignante quotidienne.
1. L’enseignement, une vocation
Le métier d’enseignant est une vocation, au même titre que le sacerdoce religieux. C’est un engagement de service, un acte de foi et de don de soi. On n’y gagne pas grande chose matériellement, mais on y sème la lumière dans l’humanité. Madame Elombe en a donné la preuve vivante.
2. L’amour et la passion du métier
À un âge où beaucoup cherchent la gloire facile ou le confort, elle a choisi la voie du dévouement : enseigner au degré élémentaire, précisément en deuxième année, auprès des enfants de six à sept ans. C’est là que commence le véritable façonnement de l’esprit humain. Elle a fait de ce niveau souvent sous-estimé un lieu d’excellence et de tendresse pédagogique.
3. La revalorisation de la musique scolaire
Son apport original réside dans la réhabilitation d’une leçon souvent négligée : la musique à l’école primaire. Par le choix de chansons adaptées à l’âge de ses élèves, elle a rendu l’apprentissage vivant, harmonieux et joyeux. Son approche nous interpelle sur la pauvreté actuelle de nos programmes : il n’existe presque plus de manuels ni de fiches modèles de musique scolaire. En redonnant vie à cette discipline, Madame Elombe a rappelé que la musique est aussi une voie d’éducation intégrale.
4. Le modèle par l’exemple
Elle a vécu cet adage : « Ne faites pas seulement ce que je dis, mais faites ce que je fais. » Son comportement, sa rigueur et sa joie de vivre étaient des leçons silencieuses mais puissantes. Par sa manière d’être, elle a enseigné plus que par ses mots.
5. Le miroir des enseignants anonymes
Madame Elombe symbolise ces milliers d’enseignants congolais plongés dans l’anonymat, mais qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour éclairer la jeunesse. À travers elle, c’est toute une communauté de maîtres dévoués que la nation doit enfin reconnaître et célébrer.
6. L’honneur rendu à ses formateurs
En excellant ainsi, elle a honoré ses propres enseignants du primaire et du secondaire. Ceux-ci peuvent se réjouir d’avoir formé une éducatrice modèle, preuve que la chaîne éducative produit ses fruits lorsque la passion se transmet.
7. L’usage pédagogique du numérique
Madame Elombe a démontré qu’un enseignant du XXIᵉ siècle peut s’approprier les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) de manière responsable et éducative. Son usage des réseaux sociaux n’était pas superficiel : elle en a fait un espace de partage, d’inspiration et de valorisation de la profession enseignante.
8. La “Méthode Elombe” : enseigner dans la joie
Sa pédagogie se fondait sur la joie et la vitalité. Elle enseignait en chantant, en dansant, en créant une atmosphère d’apprentissage détendue mais efficace. Cette méthode Elombe — fondée sur la joie et la participation — mérite d’être étudiée et intégrée dans les recherches sur la pédagogie active et l’éducation émotionnelle.
9. L’amour comme moteur de l’apprentissage
Elle a compris une vérité profonde : un enseignant doit aimer ses élèves pour être aimé d’eux. Cette réciprocité affective crée un climat propice à la réussite. L’amour du métier et l’amour des apprenants sont les deux ailes qui élèvent toute pédagogie.
10. La dignité retrouvée de la section pédagogique
Grâce à elle, la section pédagogique, souvent négligée, retrouve ses lettres de noblesse. À l’heure des inscriptions pour l’année académique 2025-2026, combien de jeunes choisiront la pédagogie appliquée à l’ISP Kisangani ou ailleurs ? Peut-être que le nom de Bonnette Elombe inspirera de nouvelles vocations.
11. Une leçon finale
Qui aurait cru qu’une simple institutrice allait enflammer la toile et marquer la conscience collective plus que bien des figures politiques ? Sa renommée posthume rappelle que la grandeur ne se mesure pas à la fonction, mais à l’impact moral et social.
Pour François OKONDAMOMBA OLONGO, Madame Bonnette Elombe a vécu peu d’années, mais intensément. Elle a enseigné avec le cœur, avec la joie et avec la foi. Elle laisse à la pédagogie congolaise un modèle d’engagement et d’innovation. À travers elle, la craie retrouve son éclat et l’école primaire sa dignité. Paix à son âme, et que son exemple inspire durablement les enseignants de demain.
Propos recueillis par la Rédaction.
