RDC / Procès 100 jours : Kamerhe et son conseil d’avocats avaient – ils manqué de stratégie de défense ?

Quelques semaines avant le procès VK, les médias ont reporté que le CPRK, centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa, était devenu un quartier général où les hauts cadres de l’UNC, les collaborateurs, amis et avocats se réunissaient pour préparer sa défense. Quatre audiences d’instruction et une audience de réquisitoire et des plaidoiries après, il y a lieu de se demander si la défense de Vital Kamerhe avait une véritable stratégie, en d’autres termes, si Vital Kamerhe avait réellement une stratégie de défense ; sans chercher à spéculer sur le verdict qui sera rendu.

Maitre Armand CIAMALA KANYINDA, Avocat près la Cour d’Appel de la Gombe, nous livre ses analyses.

Le terrain et le temps

Dès la première audience, on se rend compte que Vital Kamerhe a fait une mauvaise appréciation du terrain, il ne réalise pas qu’il est dans un procès pénal portant sur des faits très graves ; il se croit dans un procès politique fomenté par Felix TSHISEKEDI pour l’empêcher de briguer la magistrature suprême en 2023 au nom de l’accord de Nairobi. Il se place sur un autre terrain au lieu de rester dans le procès et s’y consacrer. Bien sûr, Vital Kamerhe n’avait pas la possibilité de choisir le bon temps pour son procès, mais il devait néanmoins scruter la saison pour adapter son armement et son attitude. Il a tout simplement failli à cette règle d’or ; il n’a pas compris que c’était la saison de l’État de droit, au cours de laquelle le peuple tout entier attend voir si Félix Tshisekedi est sérieux quand il parle de la lutte contre les antivaleurs et l’égalité de tous devant la loi. Il n’a pas réalisé que le climat était mauvais pour lui, pollué par les frasques de son neveu Massaro largement relayés par la presse et les réseaux sociaux.

Pour avoir fait une mauvaise appréciation sur le terrain et le temps, Vital Kamerhe prenait désormais un mauvais départ qui allait mettre à mal sa défense. Comme c’est un procès politique, ce n’est pas les avocats qui vont le défendre mais c’est plutôt Vital Kamerhe lui-même, un stratège politique, les avocats ne viendront que pour l’accompagner. Malheureusement, les avocats le suivent dans cette logique. Ainsi certains acceptent de défendre la cause alors qu’ils se trouvaient en situation de conflit d’intérêts, la défense de Vital Kamere a été démoralisée dès l’ouverture du procès lorsque les avocats en situation de conflit d’intérêts ont dû se retirer. Décidemment c’était un mauvais départ.

Faux personnage

Le « voir dire » est une vielle technique introductive de la défense en droit  français. Ici la défense prend toutes les précautions pour impressionner le jury en présentant l’accusé sous un jour favorable, donner une bonne image de la personne qu’on juge. Malgré le fait que cette technique est plus utilisée dans le  système des jurés, elle ne doit pas être négligée dans notre système car, après que tout soit dit, le juge va interroger son intime conviction pour rendre son verdict.

La défense de Vital Kamerhe a présenté au tribunal un faux personnage et donc peu crédible. Alors qu’il est connu pour sa vie de vedette et ses frasques (mariage bling bling sur une ile, agrémenté par une des meilleures vedette du pays, bijoux de très grande valeur offerts à sa femme avec fracas et devant les caméras..), Vital Kamerhe se présente en un homme pieux portant un chapelet au cou; alors qu’il se fait passer pour la pauvre victime d’un complot politique, Vital Kamerhe brille par son arrogance et la déclinaison de son intelligence, il ne s’empêche pas de chercher à corriger les questions du Tribunal.

Etude – préparation du dossier.

Dès la première audience, on voit que la défense de Vital Kamerhe n’a pas étudié le dossier de plus de 2000 pièces, elle sollicite une remise pour prendre connaissance du dossier, c’est évident qu’il n’y a pas eu de préparation. Vital Kamerhe lui-même donne l’impression d’avoir bien étudié le dossier, il a la maitrise des faits et on voit entre ses mains un dossier bien fourni et bien relié sur base duquel il veut se défendre « pièces contre pièces ». On a cependant l’impression que les avocats n’ont pas une copie du dossier préparé par leur client, ils semblent ne pas maitriser les faits et leur chronologie. S’il a bien préparé son dossier, Vital Kamerhe n’a cependant pas eu l’intelligence exacte des faits pour orienter les bonnes décisions et prendre les armes et munitions appropriées pour sa défense.

Au lieu de préparer les arguments pour se défendre en justice, il a préparé les arguments de sa campagne présidentielle pour 2023; au lieu de suivre minutieusement l’instruction du dossier en répondant aux questions du Tribunal, il étale son intelligence et sa riche expérience dans la gestion de la chose publique, au lieu de s’adresser au Tribunal, Vital Kamerhe s’adresse au public qui le suit à la télévision, son dossier des pièces n’est pas préparé à l’intention du Tribunal mais plutôt à l’intention de l’opinion publique, il commande son show et invite régulièrement le cameraman à zoomer les pièces qu’il présente pourtant au Tribunal.

Ruse et rapidité

Vital Kamerhe a violé la règle de la rapidité. Au lieu de répondre aux questions de manière précise et concise, il choisit de s’étaler dans des longues explications qui très souvent n’ont rien à voir avec le procès. Pire encore, en se lançant dans des longs propos, Vital Kamerhe n’a pas fait preuve de ruse, il a dévoilé tout son arsenal avant la grande bataille. Et quand la grande bataille est arrivée, celle du réquisitoire et des plaidoiries, Vital Kamerhe n’a plus rien, son arsenal est vide, il a déjà épuisé tous ses  arguments, il est fatigué et sans ressources. On comprend pourquoi il implore pratiquement le Tribunal de lui accorder une remise, précisant qu’il était même prêt à rester encore deux mois en détention préventive pourvu qu’on lui laisse le temps de préparer sa défense.

OODA LOOP

OODA est un cycle qui comprend quatre phases correspondant à chaque lettre de l’acronyme : une phase d’Observation, une phase d’Orientation, une phase de Décision et une phase d’Action. Le cycle doit être bouclé rapidement pour reprendre de nouveau. Après avoir agi, on revient rapidement à la phase d’Observation pour analyser les résultats de l’Action, et le cycle reprend. Il est à noter que chaque phase du cycle peut lui même constituer un sous cycle, avec toutes les quatre phases dedans.

Devant le juge, le procès lui-même constitue un cycle OODA, mais aussi chaque étape de la procédure, chaque incident ou exception peut constituer un sous cycle.

Appliquant le cycle OODA, le travail de la défense dans tout procès commence par l’Observation qui est la connaissance ou l’accumulation des faits, la défense doit connaitre tous les faits de la cause. La deuxième phase c’est l’Orientation qui consiste en l’analyse profonde des faits et leur contextualisation, bref l’intelligence des faits. La phase de Décision c’est la définition des moyens et arguments à soulever et l’attitude à prendre au cours du procès. La quatrième phase c’est l’Action, la mise en application des décisions prises. Après que le cycle soit bouclé avec la phase de l’Action, la défense doit reprendre rapidement le cycle avec l’Observation pour éventuellement réajuster sa stratégie.

Vital Kamerhe est resté de marbre et imperturbable tout le long du procès, il ne lisait pas le procès et s’est donc refusé à tout réajustement de sa ligne de conduite. Cette attitude lui a couté une bataille importante qu’il a perdu avec fracas devant le témoin Marcelin Bilomba.

En effet, depuis qu’il avait diligenté les investigations de l’Inspection Générale des Finances dans le dossier de 15 Millions de Dollars des pétroliers, Marcellin est un ennemi juré de VK, les deux se connaissent bien en tant que tels. Marcellin n’était donc pas un témoin ordinaire, il était venu en mission et il tenait à l’accomplir. Ce procès lui donnait l’occasion de régler un compte personnel à Vital Kamerhe. Et ce dernier le savait bien, tous les deux étaient préparés à la bataille. Malheureusement, Vital Kamerhe a oublié que c’était lui l’accusé et non Marcellin. Il devait se concentrer sur sa défense et non chercher à s’acharner sur Marcellin et lui régler ses comptes.

Dès que Marcellin a pris la parole, il a déchainé son artillerie lourde mais malheureusement pour lui, le juge l’arrête et le remet dans les limites du procès pour répondre seulement aux questions spécifiques qui lui sont posées. Marcellin est frustré mais il ne peut rien faire car le juge a déjà décidé, la frustration de Marcellin était palpable, le juge l’empêchait d’accomplir sa mission, de régler ses comptes avec son ennemi. Si VK était attentif à ce niveau précis, il devait réajuster sa conduite devant cette nouvelle réalité et laisser Marcellin repartir avec son arsenal intact. Mais hélas, VK commit l’erreur qu’il ne fallait pas. Il prit la parole pour s’étaler dans des considérations personnelles sur Marcellin. Et voilà l’aubaine venue du ciel pour Marcellin, on peut le voir jubiler à l’intérieur pendant que Vital Kamere le vilipendait. Vital Kamerhe offrit ainsi l’occasion à Marcellin de revenir, et la suite a été tout simplement fatale, Marcellin ne l’a pas raté. Sans aucun doute, le témoignage de Marcellin a été un des moments forts du procès, Vital Kamerhe s’en est rendu compte et s’est affaissé mais il était trop tard.

Conclusions

 Certainement la défense de VK n’avait aucune stratégie, le collectif manquait même de cohésion et de discipline dans les rangs. Mais à qui la faute ? Est-ce aux avocats ou à leur client ? Il arrive parfois aux avocats d’avoir des clients difficiles, qui connaissent tout et qui dirigent leur propre show. C’est visiblement le cas de Vital Kamerhe. Devant, le tribunal, il n’a jamais suivi le conseil de ses avocats, il n’a jamais parlé d’eux en termes de « mon avocat » ou « Maitre tel et tel », il parlait tout simplement de Kabengela, Bokolombe…. Et pour leur part, les avocats ne parlaient pas de Vital Kamere en termes de « notre » client mais c’était toujours avec révérence, « Honorable Vital Kamerhe », ce qui dénotait déjà un manque d’indépendance vis-à-vis du client. C’est seulement à la dernière audience que Vital Kamerhe a enfin compris qu’il était prévenu dans un procès qui pouvait le détruire totalement, il pouvait désormais acquiescer quand le juge lui dit qu’il ne connait pas la procédure et qu’il doit s’appuyer sur les conseils de ses avocats. Il a enfin suivi le conseil de son avocat quand il lui a dit de ne pas intervenir. Mais en général, VK est demeuré Maitre de son propre show.

La rédaction

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