Le Monde entier célèbre ce jeudi 5 décembre la Journée Mondiale des Sols sous le thème « Prendre soin des sols : mesurer, surveiller, gérer ». Ce thème reflète les actions nécessaires pour valoriser durablement cette ressource précieuse À cette occasion nous abordons le rôle crucial des sols dans la sécurité alimentaire et le développement économique de la République Démocratique du Congo. La Journée mondiale des sols a pour role de sensibiliser à l’importance d’un sol en bonne santé et promouvoir une gestion durable des ressources en sol.
Pour bien disséquer ce sujet, nous avons recouru à l’expertise du Professeur Jean-Robert Nzanza Bombiti, expert en agriculture intelligente, santé des sols et durabilité environnementale. Ancien Gouverneur, il est aussi Président du CELBG et CEO d’Envirodec Sustainability Group. Professeur Nzanza partage son expertise sur les défis et opportunités liés aux sols dans le contexte de la République Démocratique du Congo. Dans les lignes qui suivent, nous vous proposons l’entièreté de l’interview que nous a accordée le Professeur Jean Robert Nzanza Bombiti.
- En quoi le thème « Prendre soin des sols : mesurer, surveiller, gérer » est-il pertinent pour l’agriculture en RDC ?
Professeur Nzanza : Ce thème met en avant des actions clés qui s’alignent sur les besoins actuels de la RDC :
Mesurer :
Analyser la qualité des sols pour comprendre leurs besoins spécifiques. Cela inclut l’étude de leur composition chimique (azote, phosphore, potassium), de leur structure physique (compaction, capacité de rétention d’eau) et de leur activité biologique (microorganismes).
Surveiller :
Les technologies modernes comme les drones, les capteurs connectés et les satellites permettent de suivre en temps réel l’état des sols, d’anticiper les dégradations et de guider les interventions.
Gérer :
Une gestion durable combine des pratiques comme le compostage, la rotation des cultures et l’intégration des technologies modernes pour optimiser la fertilité. Par exemple, l’utilisation de biochar, étudiée à l’Université de l’Uélé, améliore la structure et la capacité des sols à stocker des nutriments.
Ce thème est une feuille de route pour transformer l’agriculture congolaise en alliant science, innovation et durabilité.
- Quels sont les principaux défis liés à la gestion des sols en RDC, et quelles solutions proposez-vous ?
Professeur Nzanza : Les sols en RDC font face à plusieurs défis majeurs :
Érosion et déforestation :
L’érosion, combinée à la déforestation, réduit considérablement la fertilité des sols chaque année.
Manque de matières organiques :
À Kinshasa, par exemple, 10 000 tonnes de déchets sont produites quotidiennement, dont 40 % sont organiques, mais peu sont valorisées en compost.
Absence de cartographie des sols :
Sans une cartographie détaillée, il est difficile d’adopter des approches agricoles spécifiques et adaptées.
Solutions:
Créer des laboratoires régionaux pour fournir des analyses accessibles.
Valoriser les déchets organiques à grande échelle pour enrichir les sols et réduire la dépendance aux intrants chimiques.
Former les agriculteurs à des pratiques agricoles modernes et durables, comme les cultures de couverture et les rotations adaptées.
- Quels sont les facteurs clés pour garantir le succès des 60 000 hectares de cultures annoncés par le Ministère de l’Agriculture ?
Professeur Nzanza : Je tiens à féliciter le Ministre de l’Agriculture pour cette initiative ambitieuse et stratégique. Pour assurer son succès, il est essentiel de garantir la santé des sols: Réaliser des analyses préalables pour déterminer les besoins spécifiques de chaque région et amender les sols avec des matières organiques comme le compost ou le biochar ;
Intégrer les technologies modernes : l’intelligence artificielle peut guider les pratiques agricoles, comme le choix des moments optimaux pour semer et la quantité exacte d’eau ou d’intrants nécessaires.
Former les agriculteurs : les producteurs doivent être équipés de connaissances pratiques sur les rotations des cultures, l’utilisation judicieuse des intrants, et les technologies modernes.
Développer les infrastructures rurales : Cela inclut les routes, les unités de stockage et les centres de transformation pour maximiser la chaîne de valeur agricole.
Message clé : Une approche scientifique et collaborative est essentielle pour transformer ces 60 000 hectares en un modèle de réussite agricole pour toute l’Afrique.
- Comment les technologies et l’intelligence artificielle peuvent-elles améliorer la gestion des sols en RDC ?
Professeur Nzanza : Les technologies modernes, notamment l’intelligence artificielle (IA), révolutionnent la gestion des sols en RDC :
Analyse rapide et précise : L’IA permet d’identifier les carences des sols et de recommander des solutions adaptées, optimisant ainsi les rendements.
Surveillance en temps réel : Les capteurs et drones fournissent des données continues sur l’état des sols et des cultures, permettant d’anticiper les dégradations ou les carences.
Prédictions climatiques : Les outils d’IA aident à adapter les pratiques agricoles aux variations climatiques, améliorant ainsi la résilience des cultures.
Ces technologies peuvent transformer l’agriculture en RDC en rendant les pratiques plus précises, efficaces et durables.
5. Quels sont les avantages de valoriser les déchets organiques pour enrichir les sols en RDC ?
Professeur Nzanza : Les déchets organiques représentent une opportunité majeure pour l’agriculture congolaise.
Amélioration des sols : Le compost issu des déchets organiques augmente la matière organique, améliore la rétention d’eau et favorise la biodiversité microbienne.
Réduction de la dépendance aux intrants chimiques : Une utilisation accrue de compost local réduit les coûts pour les agriculteurs et limite l’impact environnemental.
Création d’emplois : La transformation des déchets organiques en compost peut générer des emplois locaux et renforcer les économies rurales.
Exemple concret : Si chaque province de la RDC valorisait ses déchets organiques, des milliers d’hectares pourraient être enrichis chaque année, réduisant ainsi les coûts agricoles tout en augmentant les rendements.
6. Professeur Nzanza, quel message souhaitez vous transmettre aux Congolais à l’occasion de cette Journée Mondiale des Sols ?
Professeur Nzanza : « Nos sols sont une ressource précieuse et un pilier de notre développement économique, social et environnemental. En adoptant des approches modernes et durables – en mesurant, surveillant et gérant nos sols – nous pouvons bâtir une agriculture résiliente, nourrir notre population et devenir un modèle pour toute l’Afrique. Ensemble, faisons de la RDC un leader en agriculture durable. »
Le Professeur Jean-Robert Nzanza Bombiti est un expert en agriculture intelligente, santé des sols et durabilité, doté d’une expérience unique en gouvernance et en innovation technologique. Titulaire d’un Doctorat en Sciences Agronomiques et d’un Master en Business Administration, il a également suivi une spécialisation en santé des sols à l’Université Cornell, USA, et poursuit actuellement une formation avancée en intelligence artificielle à l’Université du Texas. Ancien Directeur de la recherche chez ZZ2, leader agricole de l’hémisphère sud, Manager en durabilité chez Kibali Gold, et Gouverneur de la Province du Bas-Uélé, il dirige aujourd’hui le CELBG et Envirodec Sustainability Group, pour transformer l’agriculture et la durabilité en Afrique grâce à des approches innovantes et intégrées.
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