Le » variant » gabonais … (Tribune de José Nawel)
Pour sûr. L’épidémie » kaki » est de retour en Afrique. Parti de l’Ouest du Continent, le virus de coup d’Etat atteint l’Afrique centrale.
Lame de fond populaire ? Assurément. A en juger par des scènes de liesse populaire qui contrastent avec le suffrage élevé que s’attribuent nombre de chefs d’Etats africains qui organisent ou financent – pour le coup, c’est du pareil au même- le rituel électoral qui tient lieu de démocratie.
Grande muette rime avec grande gueule ? Incontestablement. Cet oxymore a la cote en Afrique où de Conakry à Libreville en passant notamment par Bamako, Ouagadougou et Niamey, les militaires s’érigent en alternative au formalisme électoraliste qui se traduit par des scrutins sans incidence positive sur le quotidien des populations.
Si l’épidémie est foncièrement la même en terme de nature, elle présente tout de même moult variants selon les spécificités des pays. Le » variant » gabonais fait figure de cas d’école. Car, il concentre quantité de facteurs aggravants de l’épidémie. A savoir l’usure du pouvoir -plus de 55 ans du régime des Bongo-, le présidentialisme très tropical sous des dehors d’un régime semi-présidentiel, un rituel électoral sans véritable alternance dont les Africains connaissent le modus operandi par cœur…On comprend dès lors que la majorité des Gabonais aient salué la mise à l’écart du Président Bongo.
Reste qu’une fois l’euphorie -aussi légitime que compréhensible- passée, viendra le temps de questions. Peut-on faire du neuf avec du vieux ? Allusion au pedigree du tombeur d’Ali Bongo. Le Général Oligui Nguéma est, en effet, un homme du sérail, un membre éminent du versant militaire de la nomenklatura gabonaise depuis Bongo père ! Ira-t-il jusqu’à se faire hara kiri, c’est-à dire balayer un système dont il est objectivement l’un des piliers ?
L’autre interrogation se rapporte à la démarche même du groupe d’officiers putschistes. Pourquoi n’avoir pas obligé le CGE (Centre gabonais des élections) à révéler la vérité des urnes ? Ce qui aurait permis de savoir qui a obtenu combien de suffrages exprimés. Et, proclamer l’opposant Albert Ondo Ossa Président au cas où il aurait gagné la présidentielle.
En annulant le scrutin et en mettant hors- jeu toute la classe politique y compris l’opposition, les militaires n’ont-ils pas subtilement conservé un pouvoir qu’ils partageaient déjà avec le PDG d’Ali Bongo ? Les cris d’allégresse des Gabonais ne servent-ils pas inconsciemment à couvrir les bruits de bottes d’une révolution de palais, façon déshabiller Pierre pour habiller Paul destinée à anticiper la contagion du » versant ouest-africain » ?
L’heure n’a-t-elle pas sonné pour les Africains d’en finir avec des leurres et alibis démocratiques faits de systèmes politiques clés en mains avec des dirigeants extravertis ? Trêve de questions. Voyons voir comment le variant gabonais va…évoluer.
José NAWEJ