Peut-on se payer le luxe d’enjamber le dialogue ? (Tribune de José Nawej)

Galvaudé, dévalué, dévalorisé et même « démonétisé » sur le marché rd congolais, le mot dialogue l’est assurément. Comment sortir ce terme de sa bouche sans être soupçonné d’avoir une -mauvaise- idée derrière la tête ? Comment utiliser ce concept sans qu’il ne renvoie à la caricature bien de chez nous ou au raccourci archi-connu ? A savoir le partage du pouvoir. Une pratique cyclique par laquelle les hommes politiques se jettent, tels des charognards, sur le « cadavre en putréfaction ?- que serait devenue, selon certains dirigeants parmi les plus illustres, la RDC.

Pourtant, le dialogue est consubstantiel à la démocratie et, par ricochet, à la république. On ne saurait imaginer une démocratie -n’importe laquelle- sans que les acteurs socio-politiques ne se parlent. Ne serait-ce que pour s’accorder sur les règles du jeu. Ne serait-ce que pour les affiner, les ajuster et les réajuster en fonction de l’inexorable évolution de la société.

A moins de jouer à « tout va très bien madame la Marquise« , qui peut soutenir que la RDC peut se passer de cet exercice au seuil de cette année électorale ? A moins de pratiquer la politique de l’autruche, qui peut lancer en étant sérieux la formule « circulez, il n’y a rien à voir » là où des germes de contestation sont de plus en plus visibles même à l’œil nu ?

Bref, qui peut sans se mentir à lui-même, prétendre que l’horizon décembre 2023 est clair ? Ce, alors que les signes du mauvais temps à venir ne font que s’amonceler dans le firmament et obscurcissent, chaque jour un peu plus, le ciel rd congolais.

On ne peut pas présager d’un processus électoral et surtout d’une élection à la vertu cathartique avec un tel degré d’animosité entre les compétiteurs pressentis. La coupure jusqu’au « téléphone rouge » entre l’actuel président et son prédécesseur et, par extension, entre l’Union sacrée et les FPC a tout d’un divorce sans le nécessaire service après- vente.

Résultat, il est jusqu’à des pays frères africains à ne pas comprendre que face, par exemple, aux menaces que les agresseurs de la RDC font peser sur l’intégrité du territoire que Félix-Antoine Tshisekedi et Joseph Kabila continuent, tels des athlètes, chacun, dans leur couloir.

Ce n’est pas tout. Les graves incidents du week-end d’abord à Kindu et ensuite à Kikwit sont tout aussi annonciateurs de l’orage à venir si le cours du mauvais temps n’est pas inversé. Il s’agit, en l’occurrence, respectivement de l’inadmissible attaque contre Salomon Idi Kalonda Della, bras droit du candidat à la présidentielle Moïse Katumbi et de la non-tenue de la conférence-débat de l’opposant Muzito du fait de la dispersion des militants de son parti.

Même les délocalisations ubuesques des matches de représentants rd congolais aux compétitions africaines de football en ce compris l’équipe nationale participent de ce climat politique délétère.

Du Katanga, partie intégrante de la RDC, une expression très swahili local nous est déjà née à ce propos: « ku mbele ni kweushi« , l’avenir est sombre en français. C’est sans doute moins glamour et donc moins sympa que le versant kinois « mboka eza na cric » ou sa boutade actualisée et mise à jour « mboka elengi« . Mais au fond, le message est le même.

Problème, comment sauver l’Etat sans hommes d’Etat au sens churchillien du concept ? Comment pratiquer la démocratie sans démocrates ? Comment promouvoir le dialogue républicain et donc l’intérêt général sans républicains au sens rousseauiste de l’expression ? C’est -à-dire des hommes et des femmes abonnés à la notion de l’intérêt général ? Telle est la sempiternelle équation rd congolaise.

José NAWEJ

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