24 avril 1990-24 avril 2023: le pays vieillit sans grandir (Tribune de José Nawej).

Ceux des compatriotes qui sont nés en 1990 doivent déjà être parents à leur tour. Toute une génération s’est donc écoulée depuis la date historique du 24 avril de cette année où le Président Mobutu donna le « la » du processus démocratique.

Le pays a même renoué avec les élections multipartites. Avec à son actif trois cycles électoraux. Le quatrième est en vue. A moins que « sa majesté le glissement » ne dispose autrement.

A n’en point douter, le Congo-Zaïre post-MPR -Parti-Etat a pris de l’âge. Est-ce pour autant que le pays a grandi au sens d’opérer un saut qualitatif ? Ceux des Congolais, qui ont connu l’avant et l’après 24 avril 1990, répondraient difficilement par l’affirmative. Non sans raison.

Avec le mal zaïrois diagnostiqué par son principal agent causal en 1977 et qui avait fini par délégitimer le Régime Mobutu, les Zaïrois pensaient avoir touché le fond. Erreur. L’abysse socio-économico-sécuritaire était encore loin sous leurs pieds. Au point que par certains aspects, des Congolais en arrivent à regretter…l’autocratie éclairée et sécurisante du Maréchal-Président. C’est dire.

A mille lieues de la nostalgie avec son fameux « c’était mieux avant« , force est de constater que si Mobutu n’est plus, le multipartisme a tout d’un multimobutisme. Il y a eu comme une espèce de scissiparité avec l’avènement de ces « autorités morales » qui n’ont rien à envier au « Président-fondateur« .

Si les élections ouvertes se tiennent bon an mal an à échéances plus ou moins régulières, le rapport du souverain primaire au dirigeant…élu n’a fondamentalement pas changé. Le slogan très deuxième République selon lequel MPR égale « servir et non se servir » continue à être appliqué à l’inverse. Hier comme aujourd’hui, la « béatitude » selon laquelle « heureux le peuple qui chante et qui danse » est encore de saison.

Victime de la tragédie congolaise sous l’ère Mobutu, le Congolais continue à être au mieux un simple variable d’ajustement du leurre démocratique, au pire le dindon de la farce d’une loterie qui sourit aux seuls acteurs politiques. Justement, le ver est dans le fruit, dirait l’autre.

Au seuil des années 90, appelé à arbitrer les bisbilles entre politiciens zaïrois, le Sénégalais Abdoulaye Wade, alors ministre d’Etat, a dû se délester de la langue de bois pour déplorer l’absence de culture politique. Observatrice hyper active de la classe politique à la même période, l’ambassadrice américaine Melissa Wells légua à la postérité cette formule: « sur la scène politique congolaise, il y a plus de chaleur que de lumière ».

Depuis, même si beaucoup d’eau a coulé sous le pont du fleuve Congo et de mille et une rivières dans lesquelles baigne le pays, ce constat n’a pas pris la moindre ride. Normal que la RDC post-1990 vieillisse sans grandir.

Outre- tombe, le Maréchal- président peut comprendre le désenchantement du peuple comme celui-ci avait compris son émotion le jeudi 24 avril 1990.

José NAWEJ

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