Édito : Le lexique de l’agression n’a pas vieilli !
Un quart de siècle ! Ce n’est pas peu. A l’aune de l’espérance de vie sous les tropiques, c’est quasiment la moitié de la durée du séjour terrestre du Congolais lambda. C’est dire que l’agression contre la RDC n’est pas née de la dernière pluie. Mais, paradoxe apparent, le lexique usité pour raconter la guerre est toujours d’actualité. Sinistre florilège de mots, de concepts, de formules, de phrases qui n’ont pas pris la moindre ride.
Agression rwando-ougandaise, le Burundi en moins. Cela donnait » agression rwando-burundo-ougandaise » ou coalition » rwando-burundo-ougandaise « . Au pays de toutes les démesures, certains compatriotes surenchérissaient en intégrant l’épithète barbare qui sied parfaitement à l’attelage de trois pays agresseurs : » coalition rwando-burundo-barbaro-ougandaise « . Qui dit mieux ?
Et l’ennemi qu’est-ce qu’on en fait ? On déclare se joindre à l’Armée nationale pour » bouter les envahisseurs dehors « . Car » aucun centimètre carré du territoire » ne pouvait être cédé ni aux Rwandais ni aux Burundais ni aux Ougandais.
Quant aux » rebelles » du RCD, du CNDP…c’était ni plus ni moins des marionnettes à la solde de Kigali. De même que les « insurgés » estampillés MLC étaient carrément traités des Congolais de service …au service de l’autre agresseur patenté : l’Ouganda. Aujourd’hui, le M23 est logé, à juste titre, à la même enseigne que ses devanciers. Le masque » congolais » qui cache mal le visage de Paul Kagamé.
La colère de la rue ? Intacte. Sacrés clients – survie oblige – des organisateurs des manifestations où ils interprètent à la perfection le rôle de figurants ou d’applaudisseurs, les Congolais d’en bas n’ont pas besoin de mot d’ordre pour manifester contre l’agression. A chacune de violation de l’intégrité du territoire sous couvert des rébellions d’opérette, la rue congolaise a réagi aussi massivement que spontanément. Kinshasa, Bukavu, Goma, Kisangani…bref tout le pays vibre à l’unisson. La même colère, les mêmes imprécations à l’encontre du dirigeant rwandais.
Dans le chef des autorités congolaises, la même détermination clamée » à défendre coûte que coûte, l’intégrité territoriale « . Parenthèse : ironie du sort, le pouvoir actuel enfile le costume langagier du régime Kabila-père et fils- alors que dans l’opposition, il expliquait la guerre -la même- par l’absence de démocratie ! Aujourd’hui comme hier, le même réflexe consistant à accuser « le Rwanda d’agression » dans tous les cénacles internationaux.
La même impression que donne le gouvernement congolais d’être écartelé entre la volonté du peuple d’en découdre avec les » agresseurs » et l’option diplomatique d’une communauté internationale qui voit juste une » rébellion » là où les militaires au front et les populations meurtries ont affaire à des militaires rwandais ou ougandais, selon les cas. Hypocrisie, duplicité, double langage, complicité, des termes qui collent à la peau des partenaires extérieurs de la RDC dont nombre d’entre eux ne sont pas étrangers à la « balkanisation « .
Même constante à Kigali où la rhétorique demeure invariablement la même. Pas de troupes rwandaises en RDC. Il s’agit d’un conflit congolo-congolais. Lorsqu’il est gêné aux entournures ou carrément qu’il est pris la main dans le pot de confiture, Paul Kagamé puise dans son fonds de commerce : le génocide, les FDLR pour justifier son intervention. Au finish, ce sont des accords sur fond des désaccords entre protagonistes que l’on signe. Autant de germes plantés pour la prochaine agression.
Un quart de siècle du sur place. Une guerre d’usure? Assurément. Un feu de brousse entretenu par des pompiers-pyromanes. Normal lorsque la guerre s’avère plus rentable que la paix.
José NAWEJ