En attendant la revanche du sol sur le sous-sol… (Tribune de José Nawej)
En décrivant le Congo comme un scandale géologique, le belge Jules Cornet avait vu juste. Ce que sa discipline de prédilection-géologie- ne le prédestinait pas à voir c’est le fait que la colonie belge d’alors avait tous les atouts et les atours d’un scandale agricole. Un pays gâté par la nature. 80 millions d’hectares de terres arables dont à peine 10 % sont exploités, une pluviométrie abondante…toute l’année. Résultat, tout ou presque pousse partout et tout le temps. C’est ce pays béni qui importe le gros de son alimentation dont la farine de maïs, aliment de base dans le Katanga et l’espace Kasaï. Comble de paradoxe, la RDC se tourne vers des pays moins nantis qu’elle pour nourrir sa population. Qui plus est, ces pays d’Afrique australe -qu’arpentent en ce moment une forte délégation ministérielle partie de Kinshasa – sont tous de plus en plus frappés par la sécheresse.
Une dépendance alimentaire que rien n’explique encore moins ne justifie si ce n’est l’incurie proverbiale d’une classe dirigeante plus prompte à produire des slogans qu’à mettre en œuvre des politiques publiques volontaristes à même de faire de l’agriculture la pierre angulaire de l’émergence du pays.
Le Maréchal Mobutu légua à la postérité « l’agriculture priorité des priorités ». Si Laurent-Désiré Kabila était en passe de réussir avec le « Service national », la guerre d’agression-la même- et sa disparition ont sonné le glas de cet embryon de révolution agricole qui a vu le précieux maïs à la portée des Katangais et Kasaïens à la récolte 1998. La suite, on la connait. A l’image de l’éléphant blanc estampillé « Bukanga-Lonzo », l’agriculture est demeurée le parent pauvre du régime Kabila-fils marqué par les « Cinq chantiers » et la « Révolution de la modernité ».
Si rien de substantiel ne sort de terre pour assurer la souveraineté alimentaire, des formules ne continuent pas de pousser aussitôt plantées. La dernière en date est celle que l’on sert à toutes les sauces chaque fois que l’on parle de l’agriculture. A savoir » la revanche du sol sur le sous-sol « . On en est à cette nouvelle pousse qui continue à croître tellement elle est abondamment arrosée.
Problème, c’est que comme pour ses devancières, cette formule gagne chaque jour ses galons de slogans. Sans plus. Le pays continue invariablement à consommer ce qu’il ne produit pas et à produire ce qu’il ne consomme pas. Heureux le peuple qui attend stoïquement la revanche du sol sur le sous-sol.
José NAWEJ