RDC : « La fin d’un mythe ». (Roger PUATI)
Nous avons attendu 15 mois la réponse du Professeur Dr Denis Mukwege, après l’appel qui lui a été lancé par la société civile de se porter candidat à l’élection présidentielle de décembre 2023. Et c’est depuis là que dans tous les états majors des partis politiques et d’une certaine opinion qu’on radote à l’envi que l’homme qui répare les femmes n’a pas d’ancrage populaire, qu’il n’a pas de base, parce qu’il ne serait connu qu’à l’Est du pays.
L’ayant accompagné avec d’autres dans le Kwango, le Kwilu et le Kongo Central, fort est de constater que le mythe qui confine la popularité de Denis Mukwege à l’Est vient de tomber. Le fondateur de l’hôpital de Panzi foulait pour la première fois de sa vie ces trois destinations situées dans la partie occidentale du pays. Mais quelle ne fut pas notre surprise d’entendre les personnes de tous âges lui crier son nom et ses œuvres au passage de son cortège ! Un jeune de Kwenge dans le Kwilu me disait :
« Je suis tout à la radio. Ce Mukwege est un homme d’extraordinaire. Il soigne les femmes victimes de viol, leur apprend un métier, les accompagne pour qu’elles obtiennent justice et ensuite il leur donne une maison ! Mais comment il fait ? Il est tout simplement formidable. S’il fait déjà tout ça avec des moyens limités, il fera plus avec les moyens de l’Etat. Moi, je vais voter pour lui et je ferai campagne en sa faveur dans le village ».
Plus loin, une femme d’âge mûr lui lance :
« Sois béni pour tout ce que tu fais pour les femmes ».
Marchant dans la rue de Boma au Kongo Central, au milieu d’une grande foule, une femme lui crie en kiyombe : « Zinga, yala » qui se traduit par : « Vis et règne ». Il faut avoir au moins 60 ans pour comprendre la densité de la parole de bénédiction de cette femme. Peu avant l’indépendance et après, les Ne Kongo chantait pour leur « roi » : « Zinga, yala, Khasa Mvubu », Vis et règne, Kasa Vubu. La charge symbolique du cri de cette femme résonne comme une transmission de pouvoir. Elle a reconnu dans la personne de Denis Mukwege la grandeur et la dignité qu’incarnait l’homme de l’indépendance immédiate. Zinga, yala, Denis Mukwege ! C’est fait ! La fonction présidentielle va bientôt retrouver sa hauteur, sa majesté et sa solennité mises à mal depuis près de 25 ans. La prophétesse a parlé; l’accomplissement fait son chemin et il ne tardera pas.
Denis Mukwege fend la foule sous les vivats des badauds, lui qui est resté 10 ans dans sa prison à ciel ouvert à Panzi savoure l’air de la liberté : « Prix Nobel ! », « Docteur ! », « Wumela ! » (vis longtemps). Il s’arrête devant une femme portant son enfant. Il tend les bras en direction de la fillette qui accepte volontiers de quitter, juste pour un petit moment, les bras de sa mère pour ceux de Denis Mukwege. Le regard aimant du praticien est sans fard. L’humaniste est dans son élément. La rencontre est magnifique. J’écrase la larme qui perle au coin de mon œil. C’est beau et émouvant ! Et la femme s’adressant au Dr Mukwege dit : « Quand tu seras au pouvoir, continue de t’occuper de nous les femmes ». Chez nous, la légitimité du pouvoir politique trouve sa source dans la sphère spirituelle.
La tournée qui a conduit le Professeur Dr Denis Mukwege dans le Kwango, le Kwilu et le Kongo Central renverse le mythe qui faisait de Denis Mukwege un ovni sans base populaire. Quand un homme est au service de son peuple depuis 41 ans, comment peut-on cacher ses œuvres ? Le parfum des bonnes œuvres se moque des distances; il embaume son envol de l’orient à l’occident et vice versa. La vague Mukwege ne fait que commencer et personne ne saura l’arrêter. Comme une traînée de poudre, elle se répand et emporte l’adhésion des foules entières, car l’heure du renouveau est venue. Trop de souffrances inutiles pour un peuple assis sur un coffre-fort. Il faut mettre hors d’état de nuire les dirigeants véreux au cœur vénal. Le leadership d’un homme ayant pleinement réussi sa propre vie comme le Dr Denis Mukwege fera la différence. Lobi te, lelo ! Pas demain, aujourd’hui !
Roger PUATI.