La Constitution en question… (Tribune de José Nawej)

Pour ou contre la Constitution du 18 février 2006 qui totalise seize ans ? Faudrait-il la laisser en l’état, l’amender ou carrément  la   démonétiser ? Vaste et passionnant débat. Les « toutologues » congolais  – ces experts dans tous les domaine s- risquent même de s’empoigner.

Loin de prétentions de ceux qui ont la science infuse, on peut modestement observer que la Constitution vaut par les hommes qui l’appliquent et la font appliquer. Que vaut une loi fondamentale qui consacre la séparation des pouvoirs exactement comme l’avait théorisé Montesquieu  si les gouvernants foulent au pied l’esprit et la lettre de L’Esprit des lois ? Comment ne pas craindre la dérive présidentialiste  du pouvoir quand on relève que les  autres pouvoirs classiques jouent un rôle confidentiel ou quand ils n’apparaissent pas comme les appendices d’une autre institution ?   
Quid de la libre administration des provinces lorsque le Pouvoir central  embrigade, instrumentalise,  caporalise…  les exécutifs provinciaux en méconnaissant qu’ils n’ont pas forcément vocation à être du même bord politique que le chef de l’Etat ? Les majorités provinciales ne devant pas nécessairement coïncider avec la majorité au pouvoir à Kinshasa.
Comment juger de la pertinence du régionalisme constitutionnel et  de la décentralisation si le jacobinisme kinois continue dans les faits ? Les provinces, les entités territoriales décentralisées ressemblent encore par bien des aspects à celles qu’elles étaient avant l’entrée en fonction de l’actuelle constitution.


Faute d’un transfert réel des compétences et des ressources vers les provinces, celles-ci demeurent sous les fourches caudines de Kinshasa. Au lieu d’être l’émanation des réalités locales, nombre de gouverneurs de provinces tirent leur  « légitimité » de parrains tapis dans les allées des palais lambrissés de la capitale. D’où, ce phénomène de clientélisme qui fait des gouverneurs de provinces non des obligés de leurs mandants indirects et surtout directs, mais de mandarins positionnés à Kinshasa. Le degré de  connexion  avec les hommes forts du Régime étant proportionnel à la valeur marchande de la province. Théoriquement, toutes les provinces sont égales. Mais, dans la réalité, certaines sont  « plus égales » que d’autres. Et valent bien des intérims qui durent. Joli oxymore qu’on peut creuser dans le Lualaba. 

  
Que reste-t-il de la liberté de mouvement – l’un des pans des libertés fondamentales – si les détenteurs de l’impérium décident de qui peut se déplacer ? Par les temps qui courent, il n’est plus inhabituel d’apprendre que telle ou telle autre personnalité a été interdite de sortir du pays voire de Kinshasa. Un pied de nez à l’abc de la Constitution qui commence à s’ériger en norme.
On peut multiplier à l’infini ces entorses au niveau de la praxis. La morale à en tirer est que  ce n’est pas tant la Constitution qui ferait problème que son application. C’est archi-connu: ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait tomber la fièvre. 

José NAWEJ

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