Un manichéisme malvenu (Tribune de josé Nawej)

Les « opérations militaires en Ukraine » tiennent en haleine les opinions publiques africaines. Rien d’étonnant à cela. D’abord parce que le monde, ainsi que l’avait prophétisé l’universitaire canadien McLuhan, est devenu un « village planétaire« . Ensuite, véritable variable d’ajustement à l’échelle planétaire, l’Afrique vit souvent par procuration la guerre que se livrent les « grands de la planète« . Enfin, sevrée du contrepoids idéologique depuis l’effondrement de l’URSS, une génération d’Africains « progressistes » croit trouver en Vladimir Poutine cet antidote à l’impérialisme occidental. Symétriquement, une autre frange de fils et filles du Continent conditionnés, formatés – via les médias notamment- par la dialectique occidentale sont enclins à lire les événements de l’Ukraine avec les lunettes étatsuniennes, françaises, britanniques…

Résultat, une lecture manichéenne avec d’un côté le camp du bien et de l’autre le bloc du mal. Pour emprunter au lexique des confrontations footballistiques, c’est V.Club contre DCMP ; Mazembe versus Lupopo ; Barcelone des années Messi face à Real Madrid de l’époque de Ronaldo.

Vu d’Afrique, ce manichéisme est tout simplement malvenu. Il n’y ni matière à béatification et encore moins à canonisation ni matière à diabolisation. Il n’y a ni le monopole de la vertu d’une part ni l’apanage du vice de l’autre. Il y a tout simplement la déclinaison de la formule du célèbre théoricien militaire, le prussien Carl von Clausewitz selon laquelle « la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens« . Pour effroyable qu’elle soit, la séquence ukrainienne est paroxysme militaire de la guerre d’influence que se livrent la Russie, héritière de l’ex-URSS et le monde occidental qui tient à étendre son influence, via l’OTAN, jusqu’en Ukraine. Autrement dit aux portes de la Russie. D’un point de vue géopolitique, on parlerait sans connotation historique malencontreuse de l’espace vital d’une puissance qu’est la Russie. De la même manière que les Etats-Unis considéraient jadis l’installation des missiles soviétiques à Cuba comme un acte éminemment hostile et attentatoire à leur sécurité nationale.

Dans la même veine mais cette fois-ci d’un point de vue strictement économique, la tension EN mer de Chine cache mal le mano a mano entre les deux géants que sont Pékin et Washington.

On est donc les « opérations militaires en Ukraine » dans l’un des versants du hardware -par opposition au software- entre puissances du monde.

L’une des leçons à tirer pour les Africains et plus particulièrement les Congolais, c’est que sur la scène internationale chaque nation, chaque pays fait la politique de sa géographie-dixit Napoléon- et surtout défend ses intérêts vitaux. L’angélisme à tout va ne saurait tenir lieu de doctrine dans les rapports entre Etats surtout lorsque les intérêts stratégiques sont en jeu et constituent l’enjeu.

José NAWEJ

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