LA DISSOLUTION DE L’ ASSEMBLÉE NATIONALE EN DROIT CONSTITUTIONNEL CONGOLAIS : ENTRE POUVOIR PROPRE ET POUVOIR PARTAGE DU PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Par Me Dominique LUMPEMPE KANGAMINA
Avocat au Barreau de la Tshopo.

Après le message du Chef de l’État de ce 6 décembre 2020 adressé à la Nation, le sujet de la dissolution de l’Assemblée Nationale abordée par le président fait couler encre et salive dans toutes les plateformes. C’est dans ce contexte que nous nous sommes proposé modestement de faire l’étude de la notion de dissolution de l’Assemblée nationale en droit constitutionnel congolais. Cette gymnastique pourra aider les uns et les autres à comprendre ce que le droit prévoit exactement à ce propos étant entendu que le droit est loin des sentiments partisans, loin des envies permanentes;

Pour mieux aborder ce sujet, on devra répondre aux questions dont celle de savoir :
1) Dans ce climat politique issu des élections du 30 décembre 2018 et vu le gouvernement de coalition politique, le Président de la République peut vraiment dissoudre l’assemblée nationale?

2) Si oui quelles en sont les conditions de fond et les conditions de forme?
3) Le président de la République a-t-il un pouvoir discrétionnaire en ce qui est de la dissolution de l’assemblée nationale?

Nous allons répondre à ces questions dans deux sections qui seront suivies de la conclusion. La première section portera sur la notion de dissolution en droit constitutionnel congolais et la deuxième va trancher sur le caractère de ce droit au profit du président de la République.

SECTION 1: NOTION DE DISSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN DROIT CONSTITUTIONNEL CONGOLAIS

En droit constitutionnel général la dissolution est un acte par lequel le chef de l’Etat ou le gouvernement met fin de manière anticipée au mandat de l’ensemble des membres d’une assemblée parlementaire.( S.GUINCHARD, Lexique des termes juridiques 2017-2018).
Sa conséquence directe est l’organisation des élections législatives anticipées;
Signalons que le droit constitutionnel congolais et le droit constitutionnel français s’inscrivent dans la forme de dissolution de l’assemblée nationale exclusivement. C’est ainsi que l’article 148 alineas 1 et 2 de la constitution du 18 février 2006 disposent : En cas de crise persistante entre le gouvernement et l’assemblée nationale, le président de la république peut, après consultation du premier ministre et des présidents de l’assemblée nationale et du sénat, prononcer la dissolution de l’assemblée nationale.
Aucune dissolution ne peut intervenir dans l’année qui suit les élections, ni pendant les périodes de l’état d’urgence ou de siège ou de guerre, ni pendant que la république est dirigée par un président intérimaire.
Cette disposition donne les conditions de fonds et les conditions de forme de la dissolution en droit constitutionnel congolais.

§1. Conditions de fond
L’existence des conditions de fond limite le caractère discrétionnaire du droit de dissoudre l’assemblée nationale pour le Président de la République car le constituant conditionne ce droit à la survenance d’un cas où événement bien déterminé: il s’agit de la crise persistante entre le gouvernement et l’assemblée nationale.
En effet, le président ne va pas dormir et faire un rêve dans lequel il dissout l’assemblée nationale et le matin il en donne l’ordre. Il ne peut non plus, parce que sa « base » le lui demande et décider enfin qu’il en soit ainsi sous prétexte qu’il écoute sa « base »; c’est le cas même lorsque c’est le peuple qui le lui demande, malheureusement; la grande question qui se pose est qu’entendre par « crise persistante? Il est établi que nulle part dans la constitution le constituant n’a pensé à fixer la connotation qu’il donne à ce concept.
en droit congolais, il est aussi prévu la dissolution des assemblées provinciales. Elle est prévu dans la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces telle que modifiée et complétée par la loi n° 13/008 du 22 janvier 2013 à l’article 19 (modifié). Cet article aux 1er et 2ème alinéas est ainsi libellé: » Lorsqu’une crise politique grave et persistante menace d’interruption le fonctionnement régulier des institutions provinciales, le Président de la République peut, par une Ordonnance délibérée en Conseil des Ministres et après concertation avec les Bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, dissoudre l’Assemblée Provinciale.
Il y a crise politique grave et persistante lorsque :

  1. pendant six mois successifs, l’Assemblée provinciale n’arrive pas à dégager une majorité ;
  2. elle ne peut se réunir pendant une session faute de quorum ;
  3. au cours de deux sessions d’une année, le Gouvernement provincial est renversé à deux reprises ».
    Cette disposition même en ajoutant l’adjectif « grave » à « persistante » dans la notion de crise donnant susceptible de donner lieu à la dissolution n’est pas, à notre avis, différente de ce que prévoit l’article 148 de la constitution du 18 février 2006. Il s’agit là de la définition d’un concept que la constitution n’a pas pu donner. Il y a donc crise persistante entre le gouvernement et l’assemblée nationale lorsque l’assemblée nationale n’arrive pas à dégager une majorité à la suite d’une élection. Cet événement est possible et il est même prévu implicitement dans la constitution. L’article 78 de la constitution congolaise oblige le président de la République à nommer un informateur pour former une coalition au cas où il n’existe pas une majorité à l’assemblée nationale. Il est aussi possible que, après renouvellement de cette mission de 30 jours une seule fois renouvelable, c’est-à-dire 60 jours exclusifs, les partis politiques n’arrivent pas à former une coalition majoritaire, dans ce cas la seule solution ne sera que la dissolution de l’assemblée nationale en vue de refaire les élections législatives. Mais il pourra se poser un problème de la procédure que nous verrons dans les conditions de forme.
    Il en sera de même pour les deux événements prévus par la loi précitée lorsqu’il s’agit de l’assemblée nationale

§2. Conditions de forme

Le constituant pose le problème de la procédure à suivre afin de matérialiser la décision mieux l’ordonnance du Président de la République.
D’abord le Président de la République doit consulter le premier ministre, le président de l’assemblée nationale et celui du sénat.
Ensuite, il ne peut pas y procéder dans l’année qui suit les élections.

A la question maintenant de répondre si ce pouvoir de dissolution est un Pouvoir propre ou pouvoir partagé du Président de la République
Les notions des pouvoirs propres et partagés du Président de la République sont prévues dans la constitution du 18 février 2006 à l’article 79 qui les distingue par le fait que les premiers sont limitativement énuméré et ne requièrent aucun contreseing, il s’agit des articles 78, 80, 84 et 143 ( nous pouvons aussi y ajouter les actes réglementaires autonomes du président de la république); et les deuxièmes sont toujours contresignés et ne sont pas limitativement énumérés. P.PACTET et F. MELIN-SOUCRAMANIEN ont parfaitement affirmé que les pouvoirs propres correspondent à des compétences d’attribution alors que les pouvoirs partagés représentent la catégorie de droit commun.
Nous pouvons directement découvrir que l’ordonnance portant dissolution de l’assemblée nationale ne fait pas partie des pouvoirs propres du président de la République car l’article 148 de la constitution congolaise n’étant pas énuméré à l’article 79 de la même constitution, il s’agit donc d’un pouvoir partagé.
Quant à la consultation du premier ministre et des présidents du sénat et de l’assemblée national le président n’est nullement tenu à leurs différents avis. Toutefois, l’avis du premier ministre doit être pris en compte faute de quoi au cas où les personnalités ne se sont pas mis d’accord l’ordonnance peut être rédigée mais faute du contreseing du premier ministre l’ordonnance ne pourra en principe produire aucun effet.

Alors dans le cas d’espèce, le président se doit de nommer un informateur pour redéfinir une nouvelle majorité parlementaire en mettant terme à la coalition FCC-CACH, celà a pour conséquence de faire réputé le gouvernement actuel démissionnaire ; ce qui sous-attend que le premier ministre devra remettre sa démission au près du PR avant que ce dernier ne procède à l’ordonnance nommant l’informateur et ce, pour dire que devant cette situation exceptionnelle la dissolution de l’Assemblée nnationale si elle arrivait d’être décidé par le PR ne fera pas objet d’un contreseing.
En conséquence, la nomination d’un informateur par le Président de la République ne violerait aucune disposition constitutionnelle par contre viendrait plutôt se conformer à l’exigence légale car elle n’y était pas faite précédemment à la suite d’une coalition polichinelle FCC-CACH, et autant pour la dissolution de l’Assemblée nationale dans le cas exceptionnel précédemment étayé.

Ainsi, pensons assouvir tant soit peu aux nombreuses questions liées à la problématique de la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, en reconnaissant de n’avoir pas pu aborder tous les contours liés à ce sujet.

La Rédaction

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